Vos
poèmes

Que peut demander la fourmi
Qui s’adresse à son créateur
En présentant cet air soumis
Digne de tout solliciteur ?

Dans les mille milliards d’insectes
Qui sont sur la terre épandus,
Espère-t-elle qu’Il détecte
La plainte d’un individu ?

Et s’Il vient à prêter l’oreille
A sa douleur jetée en l’air,
Jugera-t-Il qu’elle défraye
La conduite de l’univers ?

Ainsi, quand je fais ma prière,
Me considéré-je fourmi
Et n’accablé-je pas le Père
Du fardeau de mes litanies,

Mais Lui rends-je, dans la manœuvre,
La grace de m’avoir donné
Des yeux pour admirer son œuvre,
Des jambes pour la sillonner,

Un esprit sobre et extensible
Capable de discernement
Et pour aimer, un cœur sensible
Qui ne craint pas l’emballement.

Mon église est celle construite
En personne par le Seigneur
Dont les murailles de granite
Ont trois mille pieds de hauteur.

Les colonnes qui la soutiennent
Sont les fûts des arbres dressés
Et sa voûte antédiluvienne,
Le firmament ordonnancé.

Elle a pour vitraux la splendide
Trame des nuages coureurs ;
A ses grandes orgues préside
Le vent, musicien enchanteur.

Avec un si vaste édifice
Pour pratiquer ses dévotions
On ne se met pas au service
D’une risible prétention ;

Mais prend-on plutôt l’air soumis,
Aucunement solliciteur,
Que doit arborer la fourmi
Qui s’adresse à son créateur.