La tirade de Perdican
Adieu, Camille, va, retourne à ton couvent
Près de tes bonnes soeurs qui te disent souvent
De leurs propos aigris pis que pendre des hommes,
experts en tromperie et maudits que nous sommes.
Mais parlant aussi bien des affres de l'enfer,
N'ont-elles pas aussi elles-mêmes souffert
D'avoir connu jadis l'un de ces mauvais diables
Qui les a délaissées, tristes et pitoyables ?
Et si leur tourmenteur venait à ressurgir,
Ne les verrait-on pas prêtes à se trahir,
Se jeter dans leurs bras, renouer l'aventure
Sans crainte de rouvrir leur ancienne blessure ?
Allons, c'est entendu, les hommes sont menteurs,
Lâches et orgueilleux, faux, manipulateurs;
Oui, mais les femmes sont perfides, vaniteuses,
Curieuses, dépravées, fourbes, artificieuses,
Et cependant l'union de deux de ces affreux
Êtres si imparfaits confine au merveilleux !
On est souvent trompé en amour et l'on souffre,
On est comme happé dans le vide d'un gouffre
Mais on aime ! Et au soir de sa vie, indolent,
Lorsque l'on se retourne à l'heure du bilan,
On se dit : J'ai marché dans l'erreur et la peine
Mais j'ai aimé, c'est moi qui, à perte d'haleine,
Ai vécu et non pas un être inconsistant
Créé par mon ennui et mon orgueil distant !