Cette flèche d’argent qui godille, rapide Sur un lit de galets irisés au soleil, Qui se mèle et s’unit à l’élément liquide, C’est la truite fusant, le regard en éveil.
Le quartz et le mica de sa côte de maille N’ont rien à envier, dans le flot du torrent, A l’éclat miroitant des cristaux qui émaille Les veines du granit baignées par le courant.
Elle semble enfermée au milieu d’une vasque Que forme le ruisseau entre deux chutes d’eau Mais un vif mouvement de sa queue de tarasque Lui permet de franchir ces obstacles d’un saut.
L’amont, l’aval, ce sont ses seuls échappatoires, La surface de l’eau pour elle est un plafond Ne pouvant apporter que des périls notoires Dans la crainte desquels l’animal se morfond.
Ce frôlement là-haut, est-ce une proie possible Ou un piège sournois, est-ce la vie, la mort ? Et cette ombre glissant sur la rive, indicible, Une branche qui bouge ou la loutre, quel sort ?
Ainsi va le destin de cette jouvencelle Oscillant constamment sur le fil du rasoir; Avec sa belle robe argentée, sera-t-elle Toujours nageant demain ou dévorée ce soir ?