Vas-t-en, hors de ma vue, objet de la discorde, Pour ton amour, il faut payer un trop grand prix Et sous ton influence, il est toute une horde De sentiments fielleux qui m’assaillent l’esprit.
Pourquoi hait-on parfois la personne qu’on aime, Celle que notre cœur entre toute a élue, Plus précieuse et sacrée en nous que le saint Chrême, Et, sur notre pensée est maîtresse absolue ?
Pourquoi est-on odieux avec cet être unique Et l’assaisonne-t-on d’un acide cuisant ? Pourquoi se change-t-on en mister Hide inique Pour qui l’on a été un Jekyll séduisant ?
N’est-ce pas justement dans cet aspect étrange Qu’il faut aller chercher l’origine du mal, Quand on faisait beaucoup d’efforts pour être un ange Et cacher les défauts de notre moi banal ?
Mais après le grand feu, quand le soufflé retombe, On se trouve piégé dans une relation Et l’on découvre alors le fardeau qui incombe Au couple pour garder solide sa passion.
Avant toi, j’étais libre, indépendant, frivole, Le nuage qui passe était mon souverain, Ton corps est enivrant, ta tendresse m’enjôle Mais mon bel horizon s’est largement restreint.
L’amour est toujours là pourtant, inexpugnable Qui joue sa partition, fidèle musicien, Mais la haine en secret, convive indésirable, Est venue s’inviter au repas quotidien.
Avec son air vicieux, elle nous fait du gringue Et le compte précis des agaçants travers, Des manies et des plis par lesquels se distingue Le soleil qui devait réchauffer nos hivers.
Est-ce le même qui brasillait dans nos rêves Et auquel on jurait fidélité toujours ? L’habitude et les heurts petit à petit grèvent L’idéal qu’on a cru avoir trouvé un jour.
Comme Janus, l’amour est un dieu à deux faces, C’est la juste rançon que doivent acquitter Ses élus pour ne pas que le destin les place Trop au-dessus de ceux qui en sont écartés.