Comme la mer immense et pleine de mystère, L’amour séduit le cœur du jeune aventurier ; Du rivage, il l’observe, ingénu solitaire, Et rêve d’entreprendre un voyage hauturier.
Puis un jour, dans le bain fascinant, il se jette ; A force d’arpenter les ports sans départir, Il est ensorcelé par une goélette Sur laquelle il s’embarque au comble du désir.
Il est vite envahi par l’ineffable ivresse Qui prend le néophyte à son premier élan, Le délicieux tangage et la fraîche caresse Du vent iodé sur lui le laissent pantelant.
Il s’arrête bientôt sur des îles de rêve Pour vivre des séjours de suave transport Où il passe son temps étendu sur la grève A goûter les parfums de crépuscules d’or.
Pourtant, rapidement, l’ennui se manifeste - L’homme n’est pas conçu pour l’immobilité - Il regagne le large, esclave de sa geste, Poussant toujours plus loin sa soif de volupté.
Mais il subit aussi les grains et les tempêtes Qui sont le lot commun des marins endurcis Et où, dans les éclats et les coups de trompette Du tonnerre, son sort est souvent indécis.
Certains laissent leur vie en ces assauts pugnaces Dont la sauvagerie, par trop les démolit Et leur corps disparaît sans laisser nulle trace Dans les fonds abyssaux de l’éternel oubli.
D’autres sont écoeurés par autant de violence Qui ne compense pas les moments de plaisir ; Ils préfèrent rentrer et dans une existence Plus sûre de terrien, sagement s’investir.
Cependant, quelques uns poursuivent l’aventure De la jonque orientale à la yole sans pont Ou sur une frégate à la haute mature, Toujours cherchant la nef qui mieux leur correspond.
Ces fidèles errants entretiennent la quête Et finissent leurs jours comme les loups des mers Qui, repliés à quai, dans une maisonnette, Mâchent leurs souvenirs bienheureux ou amers.