Depuis longtemps déjà, nous nous étions quittés Lorsque, fébrilement, je m’étais inquiété De m’élever plus haut que la verte vallée Où nous avions tous deux nos quartiers jumelés. Durant mon ascension, de façon régulière, Je pouvais à loisir, en regardant derrière, Toujours te voir danser et rire abondamment Dans ta robe légère aux amples mouvements, Ô toi si désirable, insouciante et belle Que l’idée de te perdre était idée cruelle. Plus je montais la pente et m’éloignais de toi, Plus tu m’apparaissais petite et hors de voix Mais, te voyant toujours –pourtant inaccessible- J’en éprouvais quand même un réconfort sensible. Or voici qu’à présent, j’ai passé le sommet Et qu’un autre versant s’offre à moi désormais, Un dévers qui, malgré que j’y mène mes pas, Plonge vers un bas-fond qu’on ne distingue pas. Si je jette un regard maintenant en arrière, Ton image est masquée par la crête de pierre Et bien que te sachant déjà perdue pour moi, Ne plus te voir soudain réveille mon émoi. Allons, c’est entendu, je ne te verrai plus Et du monde où je vis, tu as bien disparu ; Et tout en essayant de m’y accoutumer, Je songe amèrement que je t’ai mal aimée ; Tu méritais bien mieux que l’élan de tendresse Dont je t’ai entourée… ma défunte jeunesse.