Vos
poèmes

Né au hasard d’un fruit jeté,
J’avais poussé mon maigre scion
Près d’un chemin peu fréquenté
Sans prétentieuse vocation

Que de grandir dans ma famille,
Hêtraie qui couvre le mitan
D’une montagne et qui s’habille
De vert au souffle du printemps.

Je me voyais déjà atteindre
La taille de mes fiers aînés
Dont j’entendais quelquefois geindre
Les hautes cimes inclinées.

Mais je fus le jouet d’un drame
Quand un quidam itinérant,
Sortant de sa poche une lame,
Trancha ma vie en plein élan.

Alors, coupé de mes racines,
Sans plus de sève dans mon corps
Ni plus de rameaux en gésine,
Je me résolvais à la mort.

Mais ma condition végétale,
Ma ligneuse morphologie
M’épargnèrent la fin brutale
Et mon horizon s’élargit.

Réduit dès lors à une tige
Serrée d’un bout par une main,
Je découvris jusqu’au vertige
La foultitude des chemins.

Car depuis ce temps je martèle
La pierre polie des sentiers,
Le parvis gréseux des chapelles
Et le noir bitume routier.

Mon pas rythmique et discret claque
Sur le pavé rond des cités,
Dans l’eau croupissante des flaques
Et la poussière des étés.