Mon esprit vagabond, doux et industrieux, Quand le blesse par trop la conduite du monde S'échappe volontier vers un paisible lieu Qu'il a imaginé en ses heures fécondes.
C'est, au flanc d'un vallon, la rustique maison D'un de ces paysans, jadis plein de bon sens, Qui, ayant longuement observé les saisons, Avait de la nature une ample connaissance.
Aussi possède-t-elle, entre autres qualités, Une âme et un cachet -ses lettres de noblesse- Pour ce qu'elle a été bâtie et habitée Par des êtres dotés de goût et de sagesse.
Un cours d'eau reflétant de vivants croissants d'or Et de frênes bordé glisse au fond de ce val, Dans sa prime jeunesse, ignorant tout encor Des miasmes corrompus des villes en aval.
Derrière la maison, tout un étagement De collines boisées et de barres calcaires Propose à mon humeur le divertissement De mistrals déchaînés et de zéphyrs précaires.
Sous des cèdres massifs aux gestes emphatiques Et des orgues de pierre aux plis accidentés, Je puis désaltérer à tout moment critique Ma soif de solitude et d'espace venté.
Signe de la présence humaine en ce décor, Des oliviers ondoient leur feuillage d'argent Et le long des chemins, des tilleuls se font forts D'embaumer l'atmosphère aux soirs de la Saint Jean.
Et dans cette demeure à la tendre patine Un petit enfançon gazouille aimablement Quand sa maman lui chante une brève comptine Dont elle aime inventer les mots sur le moment.
Mon jardin est connu de mes quelques amis Car richement pourvu d'aromatiques plantes Dont j'use avec la plus intuitive alchimie Pour composer des plats d'une saveur parlante.
C'est pourquoi ma cuisine est encombrée d'odeurs, De pots mystérieux et d'astuces pratiques, Arrangée pour aiser au mieux l'opérateur Comme un tableau de bord de vaisseau galactique.
Mais c'est aussi pourquoi il est en permanence Dans cet îlot fleuri un vibrant carrousel D'insectes butineurs qui font par leur présence, De mon devant de porte, un centre culturel.