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Renaud BOSC

Le colloque nocturne

La nuit, à l’occasion, quand l’insomnie me traque,
Que je prête l’oreille aux bruits de la baraque,
Il me semble parfois entendre un chuchotis
Comme, au fond d’une grotte, un léger clapotis;
Ce murmure discret mais tendu, il s’avère
Que ce sont tous les mots de mon vieux dictionnaire
Qui tiennent un colloque afin de disserter
Sur la taille des vers pouvant les emporter.

Allons disent les uns, l’alexandrin domine
Le règne poétique avec sa dignité,
Son rythme cadencé qui bat et enlumine
La verve des auteurs et leur sagacité.

C’est la brique ajustée à la fondation stable
Pour le maçon qui a un castel à bâtir,
La botte de sept lieues solide et confortable
faite pour affronter l’épopée sans faillir !

Peut-être, mais la poésie
Objectent d’autres débatteurs,
Sans trop guigner vers les hauteurs,
Est aussi de la fantaisie.

Et pour cette quête angélique
L’octosyllabe a des atouts
Et sa délicate musique
A de quoi faire des jaloux.

On peut y trousser une histoire
En quelques strophes simplement
Afin de charmer l’auditoire
Au moyen d’un tendre argument.

Pardon, clament certains,
Pouvons-nous nous permettre
De vanter l'hexamètre
Pour broder des quatrains ?

Les auteurs de chansons
De tout poil et tout âge
en ont fait grand usage
Et nous le chérissons.

Moitié d’alexandrin,
Son format d’hémistiche
Où la rime s’affiche
En fait un bout en train.

D’accord, disent d’autres,
Nous sommes des vôtres
Pour que vous coupiez
Mais dans nos préceptes,
Nous sommes adeptes
Du vers de cinq pieds.

Sa taille gracile
Est plus volatile,
Plus souple de chair,
Et de sa voix pleine,
Sachons que Verlaine
A prêché l’impair.

Si la parité vous pose problème,
Intervient alors un panel en choeur,
Le décasyllabe est bien le système
Qui de ce conflit, peut sortir vainqueur.

Deux fois cinq font dix, ainsi se conjuguent
Le pair et l’impair en toute clarté,
Ronsard, Du Bellay, encore subjuguent
Pour l’avoir tous deux beaucoup usité.

Mais vous qui débattez de la longueur des vers,
S’exprime alors une autre clique,
Pourquoi vous obstiner à tort et à travers
Sur une constante métrique ?

On peut multiplier les plaisirs de ce jeu
Avec des trames modulables,
Des auteurs y ont vu un style avantageux
Comme La Fontaine en ses fables.

Oui, c’est un choix,
Lance une voix
Très opiniâtre
Douze moins huit,
On le déduit,
Égale quatre.

Quand notre tour
Arrive pour
Faire bamboche,
Nous préférons,
Rythmés et ronds,
Les vers de poche.

……………………………………………

Et ainsi continuent, mordants et passionnés,
Les échanges loyaux de ce conciliabule;
Je ne puis rapporter, de tournures ornés,
Les avis divergents de chaque groupuscule
Car le sommeil longtemps aux abonnés absents
Parvient à m’emporter, malicieux, dans sa trêve
Et au matin, baigné de rayons florissants,
Je me dis qu’au final, tout ça n’était qu’un rêve !