Il était destiné à hanter les forêts Qui couvrent les replis de sa terre natale, A chasser, à pêcher au creux des torrents frais, A devenir un grand de la faune locale.
Mais par un jour néfaste, un sbire du démon L’enleva tout petit à l’amour de sa mère Et lui, l’ours, le géant, le seigneur de ces monts Connut, d’un déporté, la condition amère.
Enchaîné, maltraité, il dut, jour après jour Apprendre à maintenir sur son nez une boule, Danser d’un pied sur l’autre au rythme d’un tambour Et tirer son chapeau pour saluer la foule.
Ainsi conditionné, sa vie ne fut dès lors Qu’une errance sans fin de village en village Afin de faire au mieux pour un public discord, De ses tours maîtrisés, le piteux étalage.
Combien en a-t-il vu de ces yeux fascinés Qui le regardent comme une bête curieuse, Combien a-t-il subi de cris, de pieds de nez De lazzis de la part d’une assemblée railleuse ?
Jusqu’au jour où après avoir beaucoup marché, Il découvrit au fond d’une vallée nouvelle Un océan de toits hérissé de clochers Et de fins minarets dans une aube irréelle.
C’est dans cette cité fameuse des Balkans Que je le vis, cerné d’une troupe soudaine, Muselé dans ses fers comme dans un carcan, Forçat toujours voué à contenir sa haine.