Vos
poèmes

Le destin que l'on sait espiègle
Lui avait fixé rendez-vous
Au détriment de toute règle
Et de tout devancier remous :

Le train filait dans la nuit noire,
Insensible à l'ambiant décor
Avec son tempo vibratoire
Et son éraillé corps à corps.

Il rêvassait à la fenêtre
Dans le couloir du wagon-lit,
Trouvant un délicieux bien-être
A ce mécanique roulis.

C'est alors qu'une passagère,
Sans que cela semble subtil,
D'une innocente voix légère
Lui demanda : Quelle heure est-il ?

Aussitôt, consultant sa montre,
Notre candide transhumant;
A la donzelle de rencontre,
Délivra le renseignement

Avant de replonger son être
Tout encombré de courants d'air
Dans l'écran noir de la fenêtre,
De sa bonne action, pas peu fier.

Devant cette étrange attitude,
La fille pleine de dépit
Demeura dans sa solitude
Sans avoir droit à un répit.

Car, qu'avait-elle besoin d'heure ?
Cette question pleine de tact,
C'était un stratagème, un leurre
Afin d'établir le contact.

Mais ce grand couillon de la lune
N'a pas vu l'opportunité
Envoyée par Dame Fortune
Et n'a pas su en profiter.

Il ne saura jamais le charme
Dont cette fille était vecteur
Ni de quelle touchante alarme
Elle était le détonateur.