Ce pays dépouillé, par la sobriété De ses lieux habités et de ses lignes mornes Peut raviver le goût de la vraie liberté, Celle des nuits sans toit, des horizons sans borne.
On peut s'y découvrir, et ne plus l'oublier, Un enfant de la terre attentif et tonique Qui écoute pulser le divin sablier, Passager consentant du grand vaisseau cosmique.
On y peut proprement apprendre à dédaigner Le tourbillon stérile où souvent nous entraîne La faim de possession, et au change gagner Une frugalité bénéfique et pérenne.
On peut y recueillir -venant y pénétrer Une nature brute, hostile et gigantesque- Beaucoup d'humilité, qualité ignorée De tant d'hommes imbus d'un orgueil ubuesque.
On peut s'y élever en cessant d'exploiter De ses petits malheurs, la pitoyable veine Et creusant le filon de sa curiosité Se nourrir derechef de joies simples et saines.
Et puis, dans ce climat sévère et solennel Où aucune vapeur ni gazeuse souillure Ne vient jamais voiler un ciel intemporel, L'esprit peut se hausser vers des strates plus pures.
Et songeant quelquefois à la graine perdue Dans le sable depuis bien des années peut-être Qui profite soudain d'une averse épandue Pour s'éveiller et faire une plante renaître,
Il peut imaginer sur le monde empêtré Dans le vice, l'ennui, la haine et l'égoïsme Une ondée de raison, fraîche et inespérée, Et qui ferait germer un nouvel humanisme.