Quand le printemps dépêche à nos sens tous les signes Annonçant pour bientôt son retour triomphant, Ma raison s’encanaille et mes jambes trépignent Comme un chien déchaîné ou un cheval piaffant.
Je me vois repartir pour de nouvelles marches Par les sentes qui trouent garrigues et maquis, Et rebattre le roc des montagnes sous l'arche Du ciel dont maintes fois, pour espoir, je m'enquis.
Car j'ai connu l'ivresse et l'indicible joie De passer des journées sans croiser un passant, Cheminant dans le calme et la clarté des bois Que le chant des oiseaux égaie de ses accents.
J'ai souvent accouru vers de libres espaces Pour répondre à l'appel de vents intempérants Qui jouent à malmener des buissons qu'ils agacent Et à déboussoler des nuages migrants.
En m'enfonçant le soir dans la forêt obscure, Laissant derrière moi un endroit habité Que j'aurais pu choisir pour sa retraite sûre, J'ai ressenti le goût de l'âpre liberté.
J'ai traversé des nuits dans un sac enroulé Avec pour matelas qu'un nid d'herbe aplatie Et pour toit que le ciel de mondes constellé Bercé par un multiple et vivant chuchotis.
J'ai surpris par instant des animaux sauvages Dans leurs activités, leurs jeux ou leurs amours Emerveillé toujours d'y découvrir le gage Que le monde est conçu sous un aimable jour.
J'ai vu le soleil bas peindre la terre en rouge, J'ai vu de blancs sapins de silence poudrés J'ai approché la mer qui se taille à la gouge Des paraphes de sable et des golfes nacrés.
J'ai affronté le froid, la pluie, la canicule, La peine, la douleur, le découragement, Observant que chacun de ces tourments accule Un frêle caractère à l'endurcissement.
Mais tout en pratiquant, constant et autonome, Cette prédilection qu'est le voyage à pied, J'ai trouvé dans la terre et le travail des hommes Un sujet d'intérêt qui me touche et me sied.
Il m'apparut alors que certains paysages Ont été façonnés par cent générations Et que dans leur écrin, de modestes villages Ont de quoi éveiller d'intimes émotions.
S'en aller solitaire au rythme de ses pas Offre tout le loisir de se laisser guider Par la juste harmonie du céleste compas Que révèle le monde à qui sait regarder.