Je suis issu de gens attachés à la terre, Au sol qui les vit naître et grandir lentement ; Il m’apparut très tôt que, pour des sédentaires, L’épreuve de l’exil est un arrachement.
Venir d’un joli coin où l’on a ses racines Et d’heureux souvenirs d’une enfance assouvie Est une bénéfique et douce médecine Contre les bleus du cœur et les coups de la vie.
C’est une chance aussi d’hériter de ses pères D’un lopin enrichi du fruit de leur labeur, De s’employer longtemps à le rendre prospère Avant de le transmettre à son tour plein de fleurs.
Mais pour celui qui a des fourmis dans les jambes, Qui rêve de courir les routes ou les mers, Celui dont le regard, d’une étincelle, flambe A l’idée de jouer de la fille de l’air,
Ce bien à préserver est un fil à la patte, Un boulet qui l’attache à sa prison dorée - Un arbre qui voudrait sortir de ses pénates Pourrait-il sans souci ni mal se déterrer ? - ;
Même s’il s’en éloigne un moment, l’âme en fête, Il a bientôt affaire avec la nostalgie, Il est écartelé entre sa noble quête Et le devoir filial qui, perfide, surgit.
Celui qui naît sans rien n’est-il pas plus chanceux ? Il ira droit devant et libre, conquérant, Ne sera pas tenté par un repli honteux Comme dans sa coquille, un escargot rentrant.
Au final, quel besoin de dépenser sa peine Pour un bien qui sera sans doute un jour ruiné ? Dans tous ces attardés au sol qui les enchaîne, Que de gâchis, que de Mozart assassinés !