Où peuvent s’en aller les carillons de Bruges Quand, du beffroi jetés, ils s’égrenent aux vents Dans un insaisissable et sonore déluge Sur les toits rehaussés de pignons à redents ?
Rendent-ils un peu plus fier de son ascendance, Derrière son comptoir, le commerçant planté En parfait héritier des marchands de la Hanse Qui ont fait le renom de la vieille cité ?
Exercent-ils peut-être une douce tutelle Sur la femme rêveuse et qui, nonchalemment, Ecarte de la main un rideau de dentelle Pour baigner son regard au bleu du ciel flamand ?
Atteignent-ils aussi, loin des riches façades, L’ouvrier du faubourg qui, pour quelque monnaie, Son travail terminé, se paye une rasade De bière soutirée dans un estaminet ?
Au cheval courageux qui tire sa calèche Par les rues et les ponts, donnent-ils de l’entrain Afin que ses sabots, sur le pavé revêche, Claquent au rythme gai de leurs éclats d’airain ?
Trouvent-ils un écho chez le cygne qui nage Sur l’eau sombre et figée d’un canal emmuré Où la brique moussue d’un ancien béguinage, Comme un saule penché, se plait à se mirer ?
Sans doute partent-ils en souvenir fétiche Quand ils ont tendrement, de leur cristal, nourri Le cœur du marinier qui mène sa péniche D’Escaut s’élargissant en Zélande fleurie.