Mes pauvres pieds endoloris, Je vous martyrise aujourd’hui En vous imposant cette marche Que veut mon esprit mégalo Pour satisfaire son ego De despotique patriarche.
Il a vite fait sur les plans De faire des pas de géant, De multiplier les étapes Comme un Petit Poucet fougueux Chaussé de bottes de sept lieues Que jamais nul ogre n’attrape.
Mais le long du chemin pétré, C’est vous qui devez endurer Le poids du corps et du bagage Et vous échauffer longuement Aux implacables frottements Du sol sur vos tendres rouages.
Vous êtes pourtant si mignons, Mes chers fidèles compagnons, Auxquels je dois tant d’aventures, Tant de découvertes glanées, De solitaires randonnées, Que nécessite ma nature.
Vous êtes bien proportionnés, Remarquablement dessinés De délicatesse et de grâce Et vos orteils sont disposés D’une façon si avisée Que nul, de l’autre, ne dépasse.
Il ne serait pas étonnant Que quelque sculpteur éminent Veuille vous prendre pour modèle Et produire une œuvre inspirée Que s’empresserait d’admirer Toute une esthète clientèle.
Mais je vous regarde à présent, Perclus de bobos déplaisants Qui, pitoyablement, vous ornent, Des inflammations de la peau, Des ampoules ballonnées d’eau Et d’affreux durillons de corne.
Aussi, je promets pour demain, De vos tracasseries, la fin, Aucune chaussure oppressante, Repos complet dans le salon, Un coussin doux pour vos talons Et un courant d’air pour vos plantes.