Octobre se termine et en fin de ce jour, Avant que le soleil fatigué ne s'éteigne, J'ai allumé un feu au dehors dans la cour, Un petit brasero pour rôtir des châtaignes.
Je vois les fruits léchés de flammes agitées, Je m'y chauffe les doigts et jouis de ce spectacle; Devant moi la montagne étend sa majesté Et, des feuillus massés, l'admirable cénacle.
Demain, nous fleurirons les tombes de nos morts, La Toussaint pour cela est une conjoncture Tout à fait bien choisie: on y voit prendre corps La saison qui préside au deuil de la nature.
Assis devant mon feu, dans la paix du couchant, Je pense moi aussi ce soir à mes ancêtres Qui ont vécu ici des travaux de leurs champs Qu'ils devaient disputer au domaine des hêtres.
Je pense à leurs efforts pour vivre dignement, Pour pouvoir arracher du flan de la montagne L'herbe de leur bétail et un maigre froment A bout de volonté et de sévère poigne.
J'essaie d'imaginer le village d'alors Tout imprégné d'odeurs de fumée et d'étable, De soupe mijotant avec patience au bord De l'âtre en attendant de resplendir à table.
Jugeaient-ils comme moi la beauté d'un tel soir Ou à cette émotion étaient-ils réfractaires ? Et considéraient-ils comme un juste devoir Le moderne souci de préserver la terre ?
Il ne reste rien d'eux, pauvres ombres gommées, Sinon dans ces vieux murs et dans ce paysage, C'est là qu'il faut y lire en brillant résumé, De leur vie de labeur, l'éternel témoignage.
Et moi qui suis ce soir assis devant mon feu A prolonger leur geste au manche de la poêle Et goûtant des plaisirs simples hérités d'eux, Je me sens chaudement placé sous leur étoile.