Mont Beuvray
A pas déterminés, je gravissais la pente
Le long d’une ombragée et tortueuse sente,
Egrenant dans ma tête et avec volupté
Des vers qui brusquement venaient s’y inviter.
Le soleil tamisait sa profuse lumière,
Perçant de mille traits la ramée printanière
D’une riche forêt de hêtres installés
Sur ces reliefs depuis des siècles reculés.
Plus haut, je débouchai sur la large terrasse
Du sommet chapeauté de grands feuillus vivaces
Mais donnant au sud-est, vers le vaste piémont,
Une vue dégagée du pays bourguignon.
Comment imaginer dans cette solitude
Où la végétation a toute latitude
Qu’il y a deux mille ans se dressait en ce lieu
Une ville peuplée d’artisans besogneux ?
Quelques druides, peut-être, occupés à leur culte,
Un sanctuaire pour les sciences occultes
Ou, sur cette pelouse, un conclave assemblé
Afin de festoyer sous le ciel étoilé !
Mais des remparts épais, des maisons, des ruelles,
Des milliers d’habitants circulant dans icelles,
Des hommes au travail, émailleurs, forgerons,
Des frappeurs de monnaie, des orfèvres, charrons !!!
Une place courue pour ses foires spéciales,
Un carrefour majeur de routes commerciales ?
Un relais unissant le bassin ligérien
Au long réseau de voies du couloir rhodanien ?
Oui, un point dominant, un centre névralgique
Entre les eaux coulant vers l’ouest et l’Atlantique
Et celles du versant méditerranéen,
Entre le monde celte et le monde romain.
Où sont-ils maintenant ces travailleurs habiles ?
Où sont leurs créations, leurs industries fertiles ?
Que sont donc devenus les bruits de leurs outils,
Leurs fêtes, leurs chansons, les cris de leurs petits ?
Je ne vois que de l’herbe et des arbres splendides
Qui ceignent ce sommet d’une toison viride,
Une nature forte et sauvage, un jardin,
Patrie du sanglier, du renard et du daim.
Voilà une leçon des plus intéressantes
Pour les générations victorieuses présentes ;
Des œuvres dont ils sont si fiers et empressés,
Le temps et son rabot sauront tout effacer.
