Les progrès fulgurants qu'a fait la médecine Durant ce dernier siècle ont pour effet pervers Que la part des vieillards de plus en plus domine Dans notre société, et c'est là son revers.
Encore quand ils sont des piliers de sagesse S'efforçant de garder posture et dignité... Hélas ! Pour la plupart, ils touchent la vieillesse Dans la décrépitude et la sénilité.
Et nous entretenons avec force méthode Cette communauté âgée de morts-vivants Pour faire de ce temps absolu qui érode L'ennemi à dompter à grands coups d'adjuvants.
Mais nous ne parvenons dans cette course folle Qu'à prolonger le bail d'une armée de perclus Dans des casernements que l'inaction désole, Où l'esprit combatif ne s'animera plus.
Comme le suggérait Vigny au dix-neuvième En évoquant la mort courageuse du loup, Les animaux en fait savent mieux que nous-même, Du parcours sur la terre, appréhender le bout.
Ils effectuent d'instinct leur oeuvre dans ce monde, Naissants et grandissants à propos comme un fruit, Et, s'étant assurés une lignée féconde, Leur devoir accompli, disparaissent sans bruit.
Mais nous nous accrochons au rocher qui nous porte Avec toujours l'espoir d'un précieux lendemain; Quand le temps est venu de refermer la porte, Pourquoi donc ne pas voir qu'il faut passer la main ?
Qu'il est l'heure d'aller gravir cette montagne Où des chênes massifs déploient leur frondaison Avec le feulement du vent qui accompagne Notre dernier effort, comme seule oraison.