Demandez-vous parfois comment est-il possible Que pour notre confort toujours plus novateur, Nous acceptions de vivre avec le joug terrible Du risque nucléaire et son feu destructeur.
Notre grand appétit d’énergie électrique Et notre dévotion pour le Dieu Business Nous fait endurer cette alarme prophétique Comme une bien hideuse épée de Damoclès.
Au diable le diktat de la sainte Croissance, Songez à cette fable et ce qui arriva A la grenouille qui, modèle d’arrogance, Voulut si bien enfler qu’enfin elle creva.
La honte soit sur nous, pour nos glorieux ancêtres, Qui mettons en péril tout ce qu’ils ont bâti, Si par notre incurie, cet ouvrage de maîtres - Ce pays - devait être un jour anéanti !
La honte soit sur nous, génération comptable Aux réalisations et succès triomphants, Si nous devions léguer un désert invivable, Puisque radioactif, à nos petits enfants.
La honte soit sur nous si, près de nos frontières, Une usine lâchait son nuage dément, Faisant fuir de chez eux des milliers de nos frères Belges, anglo-normands, suisses ou allemands.
Des vergers de Gascogne aux vignobles d’Alsace, Des rives de la Loire au bocage normand, Quel trésor faudra-t-il sacrifier sur la place Pour que nous revenions de notre égarement ?
Irons-nous jusque là et faudra-t-il attendre De nous consumer en décennies de malheur Et voir la maladie à petit feu nous prendre Pour que nous comprenions notre pendable erreur ?
Chacun connaît le risque et peut ou nous souscrire, Mais quand nous baignerons dans l’air empoisonné, Il sera bien trop tard et nul ne pourra dire, Candide ou dépité, qu’il n’est pas concerné.