Vos
poèmes

Lorsque je suis d'humeur maussade,
Dans une ombrageuse passade,
Chahuté par quelque tourment,
Pour me mettre soleil en tête,
Je saute sur ma bicyclette
Et m'en vais rouler un moment.

Dans la lumière, elle rutile
Ma petite machine utile
Avec ses rouages discrets
Et ronronne comme une horloge
Où avec précision se loge
Un monde incrusté de secrets.

Riche de cette mécanique
Fine, racée, photogénique,
Je peux faire sans trop d'efforts,
Athlète pourtant des plus piètres,
Des dizaines de kilomètres
A la seule énergie du corps.

Sur le ruban gris de la route,
La pensée distraite, j'écoute,
Tout à mon abandon rêvé,
Le souffle du vent qui exalte
Et le chuintement de l'asphalte
Dans le silence retrouvé.

J'énumère dans mon sillage
Le cachet de chaque village,
Le style divers des maisons,
Le lustre des fermes profanes
Et l'alignement des platanes
Sous leurs épaisses frondaisons.

Ce clocher au ciel qui s'étire
Est parfois ma ligne de mire
Et je découvre, affectueux,
Tel pigeonnier d'allure altière,
Tel manoir et sa poivrière
Ou tel arbre majestueux.

J'aime à saluer d'aventure
Le charpentier sur sa toiture,
Le paysan dans son verger
Et m'arrêter quelques minutes
Devant des jeunes qui disputent
Sur le pré, un match engagé.

Quand un obstacle se présente,
En la matière d'une pente
Pour escalader un coteau,
J'ai la cadence connaisseuse,
Déhanché comme une danseuse,
Jouant du pignon, du plateau.

Arrivé sur ce promontoire,
Jetant un coup d'oeil méritoire,
Je goûte avec plus de hauteur
L'aménagement des campagnes
Et au loin certaines montagnes
Faisant montre de leur splendeur.

Et sous les formations fécondes
Des nuages qui vagabondent
Pleins de grâce et de volupté,
J'ai le loisir qui m'intéresse
Pour arpenter jusqu'à l'ivresse
Mon domaine de liberté.