Nous étions arrivés, passée la nuit tombée, Fatigués, indécis, et la pupille bée A scruter les abords, de badauds envahis Et les premiers aspects de ce nouveau pays. Aussitôt descendus du car, un autochtone Nous avait abordés sur la place piétonne Afin de nous brader – était-ce un traquenard ? – Une chambre à louer, ce pour sept cent dinars. Mais nous ne savions pas le cours de cette chose Et craignions qu’à ce prix notre budget n’explose ; C’est alors qu’un joyeux groupe d’adolescents Nous tira du grappin de ce sbire pressant En sortant de la nuit pour venir nous instruire D’un camping et offrir d’aussi nous y conduire. Dans les ans quatre-vingt, les français voyageurs Bénéficiaient auprès des jeunes footballeurs D’un regard favorable et d’une bonne presse Par la team que menaient Platini et Giresse. Nous suivîmes, confiants, ces guides chaleureux Par les rues animées jusqu’à l’enclos herbeux Où nous pûmes planter notre maison de toile Et dormir ce soir-là sous une bonne étoile.
Le lendemain matin, nous eûmes tout loisir D’appréhender le site et de le découvrir. Après avoir changé nos drachmes à la banque Et de monnaie locale à présent plus en manque, Il nous fût souriant de pouvoir arpenter, Au hasard, le pavé moussu de la cité, Guettant le long du jour la lumière changeante, Prenant la moindre rue à l’allure engageante Au risque de tomber dans quelque cul de sac, Profitant des plongées ménagées sur le lac, Notre appétit ouvert à toute gourmandise, Savourant des cornets de glace à la cerise, Des chaussons d’épinard et des cevapcici, Par un cocktail d’odeurs, menés et enrichis. Telle se déroula dans notre jeune vie La première impression de la Yougoslavie, Ce pays étendu sur les plis des Balkans Ayant longtemps connu la loi des ottomans Et dont il est resté marqué dans sa culture, Dans ses us, sa cuisine et son architecture, Un mélange opportun de peuples éclatés Essayant de s’entendre et de cohabiter.