Vers la fin d’un été, à jamais aboli, Alors que j’arpentais le nord de l’Italie, Je me trouvai un soir au bord du lac d’Orta Par des détours que seul le hasard me dicta. Durant tout ce jour-là, je m’étais promené Dans San Giulio le long des façades fanées Dont le grain orangé et lisse ne se palpe Que de ce côté-là de la chaîne des Alpes. Foulant la piazzetta, où se tient le marché, J’avais pu admirer sur les étals juchés, Les légumes rangés en ordre invitatoire, Les fromages oblongs comme de grosses poires, Les travaux de boulange aux parfums assidus Et les longs chapelets de saucisses pendus, Trompant les soubresauts de mon ferme appétit En tranches de coppa et douces gelati.
En fin d’après-midi, ma tranquille balade Avait conduit mes pas jusqu’à une esplanade Qui domine le bourg et son cadre enchanteur Pour offrir au passant un coup d’œil prometteur. A mes pieds s’étendaient les toits de tuiles rondes Et au-delà, le lac aux immobiles ondes Dans un amphithéâtre arboré et pentu De massifs montueux et par l’ombre vêtu, Donnant ce sentiment de paix renouvelé Que seule la montagne a le don d’insuffler. Joyau de cet écrin, la toute petite île Où se dresse une église avec son campanile Et d’un couvent secret, l’antique bâtiment, S’apprêtait à rentrer dans son recueillement. Un canot ramenant, pour un dernier passage, Des pèlerins d’un jour vers le proche rivage Etait seul à rayer la surface des eaux Comme dans un drap fin la coupe des ciseaux.
J’étais là, assis sur le parapet grossier, Les jambes dans le vide et les yeux rassasiés Lorsque d’une fenêtre ouverte sur le soir Partit soudainement, monta et vînt m’échoir, D’un puissant bel canto, la touchante réplique, Pour sceller la beauté de ce moment unique.