Imagine un instant qu’à l’heure de mourir Et de franchir le seuil de la porte céleste, La divinité qui t’ouvre pour t’accueillir N’ait rien du beau vieillard que la rumeur atteste.
Mi-homme, mi-caprin, des cornes sur le front, Du poitrail aux sabots, le poil hégémonique, Des cheveux broussailleux, un petit ventre rond, Et sur sa gueule d’ange, un sourire lubrique.
Imagine qu’alors, d’un oeil inquisiteur, Sur son divin registre, il te fasse le compte Des coups que par paresse, égoïsme ou aigreur, Tu as plaint de tirer avec ta mie, la honte !
Suppose maintenant que pour chacun d’iceux, Il te faille accomplir un an de purgatoire Dans un endroit glacial, désertique et crasseux A te ronger d’ennui, sans nulle échappatoire ;
Alors qu’on ta reçu dans un vert paradis Où chantent des ruisseaux ornés de cascatelles Et où, sous un soleil qui te ragaillardit, Se déploient des ramées en savantes dentelles ;
Alors que dans ce vaste et prospère jardin, Au milieu de buissons qu’un friselis effleure, Passent, enamourés, des couples libertins Qui n’ont d’autre souci que s’unir à toute heure.
Te retirant de là, fautif et désolé, Pour aller te placer sous le joug du séquestre, Ne t’en voudrais-tu pas d’avoir laissé filer Toutes ces occasions dans ton séjour terrestre ?