J’ai traversé le Rhin pour faire une visite Au pays des Teutons que la légende habite Entre bourgs et châteaux tout au long des chemins Où se pressent des clans de vertueux sapins. De Freiburg, adossé contre la Forêt Noire Et dont les caniveaux content toute une histoire, Je me suis infiltré dans un massif, berceau De nombres de cours d’eau dont un certain ruisseau Que je comptais revoir plus loin à Ratisbonne - Car ce nom chaudement à mes oreilles sonne - Quand il va devenir le Beau Danube Bleu Et oriente son cours vers un destin fameux. D’ici là, musardant, j’ai vu dans mon errance La lumière du soir sur le lac de Constance Quand le soleil couchant jette un dernier éclat Sur des voiles au loin, piquetées ça et là Et dore les coteaux tigrés de rangs de vigne. J’ai escaladé le Nouveau Rocher du Cygne, Refuge désiré par un roi capricieux Pour s’élever peut-être un peu plus près des cieux ; Curieux, j’ai fait la chasse aux églises baroques Dont les orgues serties de parures évoquent Fugues et toccatas que dans les temps anciens Ont laissés derrière eux d’illustres musiciens. J’ai eu pour horizon les Alpes Bavaroises Où les murs des maisons toutes fleuries pavoisent De motifs colorés, de convives chantants Et de scènes de rues, peints par les habitants. J’ai étudié un peu de leur vocabulaire Et jaugé en passant l’ambiance populaire Dans les biergartens où je me suis immiscé. Mais à baguenauder, à trop me disperser D’Irschenberg à Augsburg, vieille cité souabe Où Brecht a prononcé sa première syllabe, Goûtant là une bière en mangeant un bretzel Et ici du vin blanc sur un apfelstrudel, Je n’ai pas eu le temps d’aller à Ratisbonne - Dont le nom depuis lors en ma tête résonne - Pour voir sous le vieux pont le Beau Danube Bleu Qui oriente son cours vers un destin fameux Jalonné de châteaux, de villes, monastères Et descend irriguer de successives terres Où slaves et roumains, autrichiens et magyars Se passent le relais et cultivent leurs arts.