Vos
poèmes

A force de passer ma vie
Sur les écrans d’ordinateur,
Une scélérate myopie
A ruiné mon collimateur.

Moi qui avait une vue d’aigle
Autrefois dans mon jeune temps,
Je constate que se dérègle
Ce sens précieux, c’est attristant.

Me voici pourvu de bésicles
Et si, dans le monde animé,
Je sors sans ce nouvel article,
Bien du plaisir m’est supprimé.

Une déconvenue me guette
Si je ne peux accommoder
Sur cette fille à bicyclette
Aux longues jambes dénudées.

J’ai le sentiment d’être un dupe
Quand un assaut de vent fortuit
Démasque en levant une jupe
La lune sans qu’il fasse nuit.

Ce cruel handicap me grève
Celle qui dans sa salle d’eau
Se promène en costume d’Eve
Sans avoir fermé son rideau.

Et quelle déception affreuse
De ne pas pleinement goûter
Les courbes de cette joggeuse
Dans un legging bien ajusté !

Brusquement, se voir interdire
L’accès à un décolleté
Plein de promesse pour y lire
Ce qu’il a à me raconter !

Ainsi va la vie altérable
Qui nous prodigue des bonheurs
Qu’au fil du temps inexorable,
Elle soustrait à nos ardeurs.