Le levante mugit dans les pins laricios, Jouant de ses accords sur les fines aiguilles Afin d’interpréter un sobre oratorio Qui sied au dénuement des sommets qu’il houspille.
Mais lui est à l’abri sous les feuillus épais Qui couvrent les versants de l’étroite vallée ; Pour chercher sa pitance, il n’est jamais en paix, Farfouillant de son groin la terre bosselée.
Au printemps, la montée des sèves dans l’aubier Révèle des parfums goûteux qui le fascinent Et, sur le sol fumé, un richissime herbier Qui trahit son envers d’oignons et de racines.
L’été, il s’aventure un peu sur les hauteurs, C’est l’occasion de bains dans de frais marécages Et lorsque passent là des files de marcheurs, La possibilité de menus chapardages.
Après qu’il ait connu bombance de pignons, L’automne lui fournit des ventrées de châtaignes, Des récoltes de glands, d’odorants champignons, Avec des grognements de plaisir qui l’étreignent.
Compagnon de l’orpin et du genévrier, Détrousseur d’arbousier et orpailleur de truffes, Le bougre en liberté n’a rien à envier A ses cousins velus, noirs comme des tartuffes.
Il finira sans doute en coppa, en lonzu, Sa couenne deviendra fin morceau pour la soupe, Son foie figatellu, sa cuisse prizuttu Et même son museau sera mis en découpe.
Mais vaut-il mieux servir de déjeuner aux vers Dans une caisse au fond d’une fosse profonde Après avoir été la proie d’un univers Sans plus d’attache avec la Nature féconde ?