Un parapluie pour deux, bras dessus, bras dessous, Bravant les éléments, nous marchons vent debout Sur le pavé mouillé des remparts de Granville Aux pieds desquels rugit une marée hostile. En cet août finissant, la Manche délitée S’essaye à ses premiers coups de morosité Mais sa mauvaise humeur ne saurait compromettre Le tendre sentiment où nous venons de naître. Souviens-toi de Bayeux aux fenêtres fleuries, De ses roues de moulin, de sa tapisserie, Modèle médiéval de bande dessinée Pleine du bruit de fer de guerriers obstinés. Les rues de la cité gardaient du moyen âge Un petit quelque chose avec ses colombages, Son ruisseau paressant et ses vieux petits ponts, Ses pierres ouvragées, ses mâts à gonfanons. Les plages que, là-bas, on appelle des beaches, Si elles ne sont pas, en cocotiers, bien riches, Furent pour nos deux corps côte à côte allongés, Une terre d’accueil néanmoins louangée. Souviens-toi du voyage à bord de ton auto Tandis que nous chantions en chœur « la goutte d’eau », Du pommier sous lequel notre tente dressée Etait, au vent de nuit, de frissons, traversée Pendant que j’essayais, appliqué et volage, D’apprivoiser tes seins extirpés de leur cage. Souviens-toi du 15 août, en route vers Chausey, Sur cette mer étale où des voiliers posés Comme des papillons aux ailes éphémères Déployaient leur voilure à la brise légère. Et tous ces souvenirs ajoutés bout à bout Nous conduisent ici à marcher vent debout Sur le pavé mouillé des remparts de Granville Aux pieds desquels rugit une marée hostile.