Je repense souvent à ma folle jeunesse, Garçon impétueux aux matins triomphants, J'allais le cœur léger tout empli d'allégresse, Homme, pas tout à fait, déjà plus un enfant. J'aurais pour le baiser des lèvres d'une blonde, Ou le regard brûlant d'une brune Andalouse, Risqué ma vie cent fois de par le vaste monde Et rendu la rouquine à tout jamais jalouse.
J'aurais pour vous aimer, mesdames, tout donné, Dédaigné les honneurs, méprisé la fortune, Frisé l'indignité, les miens abandonnés Pour monter jusqu'au ciel vous décrocher la lune. Mais depuis quelque temps me vient une inquiétude, Le contact le plus près est sur moi sans effet, Et au lieu de frémir comme à mon habitude, Je laisse vos désirs souvent insatisfaits.
Vous êtes bien restées pour moi sujet sublime, Et à vous bien rimer pourtant je m'évertue, J'ai pour vouloir la chose un grand cœur magnanime, Mais ma passion s'égare et se perd dans les nues. Vingt fois sur le métier je remets mon ouvrage, Le polissant sans cesse et le repolissant, Mais est-ce dans ma tête ou bien le poids de l'âge, N'en déplaise à Boileau ça va moins bien qu'avant.