France souvient toi.
O France il faut te souvenir,
De ce passé presque récent,
Pour éviter que l’avenir
Ne soit l’image du présent.
Ne les vois-tu pas ces chimères,
Ressurgir après cinquante ans ?
Ne sens-tu pas l'odeur amère
Du crime, du feu, et du sang ?
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne. »
Jeunes et gais ils étaient beaux,
De fol amour ils étaient ivres,
Ils sont tombés sous tes drapeaux,
Pour qu’aujourd’hui tu puisses vivre,
Te souciais-tu, en ce temps là,
Du gris ou du noir de leur peau,
Regarde-les, ils sont tous là,
La honte au front dans leur tombeau.
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne.
Malheur à toi, ô! peuple ingrat,
Pareil aux filles sans vertu,
Tu es prêt à ouvrir les bras,
Aux monstres qu’ils ont combattus ;
Regarde-la qui se déchaîne,
L’hydre qu’ils croyaient abattue,
En écoutant ses chants de haine,
C’est leur mort que tu prostitues.
« N’est pas éloigné le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Résonne encore le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne. »
Réveille-toi France ma mie,
Et fais honneur à ton drapeau,
Eloigne de toi l’infamie,
Ne te trompe pas de nouveau ;
Cultive, cultive la rose,
La jolie fleur du mois de mai,
Fais que les noirs matins moroses,
Pour nous ne se lèvent jamais.
Fais que s’éloigne le vol lourd
Des corbeaux sur nos plaines,
Qu’enfin s’éteigne le cri sourd
Du pays qu’on enchaîne.
Chambéry 1986