La balade en forêt
Un rossignol m'a dit, que fais-tu là poète,
Errant de çà et là dans la vaste forêt ?
N'entends-tu pas là-bas sonner des airs de fête,
Ecoute le concert du chant du roitelet ;
Regarde le ballet des Fées, ces demoiselles
Dansant pour essayer de conquérir ton cœur,
Qui pour te plaire enfin se feront toutes belles,
Déroulant sous ton pas un long chemin de fleurs.
Le frais ruisseau m'a dit, regarde-moi poète,
Je m'en vais librement car rien ne me retient,
Mes flots vont doucement ou font des pirouettes,
Au gré de mon humeur, bridés par aucun lien ;
J'enfle, je rétrécis, je fais des cabrioles,
Rien ne peut entraver le cours de mon destin,
Et je trace mon chemin soufflant des gaudrioles,
A l'amoureux transi dans le petit matin.
Les champignons m'ont dit, ne sens-tu pas poète,
Ces légères odeurs qui flottent dans les airs,
Ici c'est la Morille et ici la Trompette,
Toutes deux bien cachées sous un doux tapis vert ;
Là-bas près du sapin, sommeille la Girolle,
Et le Bolet te tend son piège satanique,
Vois le blanc Géaster étaler sa corolle,
Au pied de ce rocher au reflet métallique.
Longtemps j'ai cheminé sous la verte ramure,
Surprenant le Pic-Vert effrayant l'écureuil,
Ecoutant dans le vent le langoureux murmure,
Que font les chants d'amour des Pies et du Bouvreuil ;
Puis soudain devant moi c'est dressé le Grand Chêne,
Noueux, majestueux, semblant être le roi,
De ce monde enchanté nature souveraine,
Toile d'impressionniste exposée devant moi.
Un groupe d'escargots qui lentement chemine,
Pareils aux pèlerins marchant vers Compostelle,
Croise les bons jolis que fait la rousse hermine,
Poursuivant dans son jeu la verte sauterelle;
Masquée par les buissons, une biche surveille,
Son faon qui quelque peu se perd dans les sous- bois,
Spectacle si touchant, qui toujours m'émerveille,
De la mère pour l'enfant constamment en émoi.
Le jour qui déclinait là-bas sue la colline,
De cette féerie fit s'écarter mes pas,
Je me suis retiré d'une allure féline,
Craignant de déranger ce petit monde là ;
En formulant des vœux pour revenir toujours,
Sous le dôme élancé de ce feuillage épais,
Pour rechercher l'appui, implorer le secours,
Du divin créateur de ce havre de Paix.
Chambéry le 14 septembre 2000