Le chat, le souriceau et le chien.
Un petit souriceau, qu’un gros chat plein de sciences
Avait un jour nommé chef de son cabinet,
Voyant que le matou en lui avait confiance,
Profita de son sort sans gêne et sans délais.
On le vit de partout squatter les avant-scènes,
S’introduire et causer dans les plus grands salons,
Avoir avis sur tout et dans tous les domaines,
En se poussant du col jusqu’aux plus hauts échelons.
Car notre souriceau, tout gonflé d’ambition,
Voyait son avenir qu’à la place première,
Et qu’il n’y soit un jour était une allusion
Que nul, en sa présence, n’aurait osé faire.
On le voyait de ça, on le voyait de la,
Commentant son action de phrases assassines,
Poussant si bien son pion qu’on l’aurait dit parfois,
Guidé par quelques mains d’inspirations divines.
Le gros chat, pour sa part, observait le manège,
Paisible en son palais ronronnant calmement,
Ne trouvant point du tout souriceau sacrilège,
Prenant l’agitation pour un amusement.
Les années s’écoulaient au rythme des saisons,
Notre chat somnolant, souriceau bondissant,
Jusqu’au jour ramenant le monde à la raison,
« Il fallait du pays élire un président. »
Un chien survint alors que l’on n’attendait plus,
Vieux colosse oublié dans un coin d’un salon,
Un de ces gros griffons massifs et tout velus,
À la patte pesante et aux crocs très très longs.
« Messires, leurs dit-il, à quoi prétendez vous ?
Être chef d’un pays n’est pas fait pour un mou,
Ni pour un gringalet se prenant pour Hercule,
S’agitant tant et tant qu’il en est ridicule. »
Et d’un seul coup de crocs du chat brisa l’échine.
D’un seul coup de sa patte écrasant souriceau,
Il poursuivit sa route qui on le devine,
Mena tout droit le chien s’installer au château.
Il nous faut de ces faits tirer triple morales :
Politique n’est pas estrade théâtrale.
Lorsqu’on a le pouvoir gardons nous de tous lieux.
Si nous sommes petits n’offensons pas les dieux.
Chambéry le 11 août 2005