Mais, où est dont le temps des joyeuses moissons ? Le temps où Balthazar courtisait Jeanneton, Le fringant moissonneur murmurait ses chansons, À la jolie fleurette encore toute en bouton.
Le teint mat, buriné, sous son chapeau de paille, Le soleil et le vent lui faisaient la peau grise, Et le muscle arrondi saillant sous la chemise ; Jeanneton frissonnait quand-il prenait sa taille.
La faux se balançait à chacun de ses pas, Animée qu’elle était par un bras si robuste Que l’effort ne faisait jamais plier le buste, Et les blés en sifflant se couchaient en un tas.
Parfois son fier regard mesurait le labeur, Le coude reposé sur le fer de la faux, L’avant bras essuyait de son front la sueur, Il souriait songeant que son geste était beau.
Puis d’un coup large et sûr il battait son outil, Lui redonnant du fils pour mieux le faire chanter, On entendait alors traversant l’air d’été Du fer et de l’épi le tendre chuchotis.
Mais mon esprit s’égare à rêver de ce temps Où d’être paysan avait une valeur, Où l’on ne parlait pas d’engrais, de désherbant, Quand-on parlait aux bœufs et pas à un tracteur.
Je sais, c’est le progrès, il faut que l’on accepte Que le monde évolue vers d’autres horizons, Mais j’en connais plus d’un qui comme moi regrette Qu’il soit perdu le temps des joyeuses moissons.