Quand vous lirez ces vers, enfants, je serai mort, J’aurai rendu à Dieu et mes os et mon âme, Je n’aurai plus besoin ni de vin ni de femme, Et la terre fera un compost de mon corps.
Au jardin éternel, jardinier du dimanche J’aurai été planter mes regrets mes ennuis, Je ne compterai plus ni mes jours ni mes nuits, Et d’où j’étais assis j’aurai scié la branche.
Oui mais avant cela je vous aurais aimés ; Sans avoir su toujours l’avouer, vous le dire, Les lèvres taisant l’élan du cœur qui soupire, L’amour brûle souvent sans pouvoir s’affirmer.
J’aurais à ma façon apporté une pierre, Au mur que dressèrent, hier, nos chers aïeuls, Pour que soit exaucé par les princes des cieux Les rêves qu’ils cachaient au fond de leur prière.
Car je quitte un monde qu’ils avaient espéré. Même s’il reste encor des îlots de misère, Comparée à la leur notre vie fut légère, Ayant vécu des temps où tout est libéré.
Au revoir donc enfants, dedans vos mains tendues Recevez-le ce monde et le portez plus loin, Moissonnez bien nos blés et engrangez nos foins, Pour qu’à travers vos vies la mienne continue.