Un pas après l’autre l’homme trébuchait un peu plus. Malgré la lanterne un voile obscur amoindrissait sa vue Masquant peu à peu l’horizon de sa vie. À perdre ses moyens il se sentait fini.
Alors il s’arrêta.
À quoi bon marcher encore si je ne dois plus rien voir ? Ni le jour, ni les champs, ni le ciel, et errer sans espoir De me sentir capable de quoi que ce soit. Autant mourir ici si c’est donc ça.
Soudain, il entendit.
Es-tu enfin venu pour moi ? une petite voix lui dit. Une toute jeune enfant se tenait près de lui Assise dans l’ombre en bordure du chemin Contre son balluchon, un bâton dans la main.
Surpris, il recula.
Nullement ! répondit l’homme – je ne viens pas pour toi. J’allais comme avant mais la vue s’échappe à moi Pourquoi poursuivre un chemin devenu difficile ? Autant cesser si c’est être inutile.
La fillette répondit.
La vue te quitte ? pourtant tu sembles y voir encore. Alors tu dois reprendre et continuer plus fort Poursuivre ta route et me donner la main Plutôt que de te plaindre en si bon chemin.
L’homme s’étonna.
Mais qui es-tu pour me dire de reprendre mes pas ? Comprendre ce qui me ronge, une enfant ne peut pas. C’est la vie qui me quitte et la peur qui m’emplit Alors que pour toi tout commence aujourd’hui.
L’enfant lui sourit.
Sans doute, répondit-elle, mais si tu vois encore, je n’ai moi jamais vu Ni le jour, ni les champs, ni le ciel non plus J’aimerais tant qu’on me guide alors, si la vie m’attend, Sur cette route encore si longue pour une enfant.
Alors, il se leva.
L’homme hésitant quelque peu prit la fillette par la main Balluchon à l’épaule il reprit avec elle le chemin. Et personne ne put voir dans cette obscurité Sur la joue de chacun comme une petite perle couler.