O prêtresse des nuits, toi que j'aime en secret, Qui fait battre mon coeur de louve solitaire, Je te livre ces mots qu'au pied du réverbère, Un fantôme en passant a sans doute oubliés. "Belle amante entends-tu la longue mélopée De novembre qui pleure et déchire mon âme, Depuis longtemps déjà l'hiver tisse sa trame, Posant un blanc linceul sur mes cheveux tressés ? O lune qui connaît ma pauvre déraison, Magicienne aux yeux d'or, déesse noctambule, Puisses-tu rien qu'une heure arrêter les pendules, Qu'à l'horloge un instant, je tourne les talons ? J'aimerais tant et tant ranimer les tisons De ces jeunes années où j'ignorais la chance, De courir librement sur les chemins d'enfance, Au temps des roudoudoux et des poupées de son. Il neige des regrets sur mes soleils éteints, Sur cette route au loin dont j'ai perdu la trace, Mes amours sont parties à jamais dans l'impasse, Il pleut sur mes printemps d'ineffables chagrins. Sur le jardin flétri gisent des souvenirs, Deux roses en bouton pourtant m'y interpellent, Amie accorde-moi quelques aubes nouvelles, Pour que mes yeux demain les voient s'épanouir". O prêtresse des nuits à quoi bon le cacher, Ce poème n'est rien qu'un souffle dans la brume, Et s'envolent ses mots sur le gris du bitume, Comme feuille d'automne errant au vent glacé.