La Cathédrale Engloutie
À Claude Debussy
Profondément calme, dans une brume doucement
sonore
Songe l’auguste église. Abime engloutissant
l’aurore,
L’océan drape sa pierre nue, Ô soupirant
consort.
Doux et fluide, courant au travers de sa ruine,
Contemple le mystère, sa jouvence entretenue :
Ces fissures marbrées, cette usure qui l’affine
La tendent comme une flèche, pour mieux percer les nues.
Sa pâleur de cierge fait ondoyer l’abysse
Sans nuances, constelle les grands fonds de lueurs
Que le vitrail projette en brillants artifices
Et déchire les flots d’amples rais de couleur.
Sélénienne splendeur, fait se retirer l’eau
Émerge enfin, peu à peu sortant de la brume
Diluviennes marées s’échappent en longs sanglots
La laissent sur la côte, les yeux brouillés d’écume.
Bientôt s’éveille l’âme, la gloire de l’ancien monde,
Sillage monumental des dévotions profondes.
Sa nef gonfle et frissonne, respire une fois encore
Ses clochers ont l’éclat de stridents sémaphores.
Sonore et sans dureté, renaît toute la morgue
Le chant pur, stentoré, mystique du vieil orgue.
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Furtifs météores que sont ses rhapsodies.
Au faîte de l’unisson, reflue la déferlante
Comme un amant jaloux ; et sombre abasourdie
Reprise du rivage, la cantatrice atlante.
Expressif et concentré résonnent dans la nuit
Ténèbres langoureuses de l’albâtre endormi,
Songes privés du ciel, pour satisfaire l’ennui
Du seigneur des mers, sa royale Anomie.
Marine Perséphone, tu donnes à son domaine
L’apanage des unions tragiques et surhumaines.
Tu habilles les tréfonds de ta maestria,
Tu fumes nonchalamment cachée dans les crevasses
Flottant et sourd, l’accent de ta lascive aria
Porté par le courant, murmure à la surface.
C’est un écho superbe qui vient du fond des âges,
Une obscure liturgie.
Dans la sonorité du début des voyages
…La Cathédrale Engloutie.