Sur cette photo là, tu vas avoir vingt ans, Le « kodak » t’a saisie en des poses d’actrice, La photo a jauni un peu avec le temps, Tu débutes ta vie de jeune institutrice. Je pense à toi souvent.
Devant toi l’avenir tout un commencement Tes rêves de jeunesse et tes espoirs entiers Celui de pratiquer aussi l’enseignement Qui sans doute est pour toi, le plus beau des métiers. Je pense a toi souvent.
Plus tard, voila la guerre et puis totalement La France de Vichy, des collaborateurs, Fait promulguer des lois et fait prêter serment Aux agents de l’état dont les instituteurs. Je pense à toi souvent.
Il est parmi ces lois, plusieurs contrevenant, A l’éthique justice, a toutes ses notions Mais quel dilemme en toi, de questions revenant, Ce qui était en jeu c’était ta vocation Je pense à toi souvent.
Et l’on te demandait que parmi les enfants Tu cites ceux voués au port d’étoile jaune Tes petits écoliers… maman le cœur me fend En écrivant ces mots venus d’un autre automne. Je pense à toi souvent.
Et tu as décidé mais très consciemment Qu’oser te regarder le matin dans ta glace T’interdisait cela, tout nom et tout serment A ces lois d’exclusion et au pouvoir en place, Je pense à toi souvent.
Ta jeune carrière brisée en un instant, A du rester gravée au fond de ta mémoire Tu as du y penser bien des fois et pourtant Tu ne nous as jamais racontée ton histoire. Je pense à toi souvent.
Tu vivais ton passé et si discrètement, C’est par un pur hasard que j’ai appris ces choses A ma sœur et à moi, tu disais simplement : -« J’ai enseigné dix ans puis j’ai fait autre chose » Je pense à toi souvent. Ah tellement souvent !