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Roger VIDAL

Et le piano s’est tu

Ta ferveur faisant fi de toutes les folies,
Je te revois encore assise au piano,
Souriante, soumise, a ces sons soprano,
Ses aigus de magie et de mélancolies
Qui montaient vers les nues sans s’arrêter au port,
Passage des passions passant sans passeport.

Tes doigts décidément dessinaient ton désir,
Les notes disais tu, ne sont qu’œuvres de chair
Chez toi, chérissant l’art, chant ton choix le plus cher,
Elles étaient l’amour au delà du plaisir,
De ton cœur tout entier vibrant en vibrato
Piano de ta vie sans un moderato.

Que ne puis-je Marie parler de toi sans frein ?
C’est aussi se savoir cette vie fantaisie
Existence au fusain, existence saisie
Par ce peintre brossant tes notes du refrain
Et rêvant plus avant que ton rêve mouvant,
A chaque mouvement ton rêve dans le vent.

Marie il est des soirs saisis en souvenance
Tes doigts ces magiciens au clavier de mon ciel
Et puis ce moment là, l’instant sacrificiel
Qui ouvrait vers l’azur mes portes de l’enfance
Ma muse s’amusant d’un Bach ou d’un Mozart
Tu clouais mes dix ans de tes mains de hasard.

Mais à quoi bon Marie pour qui le temps s’endort,
Parler d’aller voler mouvements envolés,
Souvenirs ânonnés, à peine survolés,
Dorures adorées, le strass que l’on croit d’or,
De ces nuits simulées, ne sachant des soucis,
Que d’être passagers et sans cesse en sursis.

Tu nous laisses si seuls, partie moderato
Adieu Marie, à Dieu que va-t-il lui rester,
De toi de ton talent tant et tant attesté
Que je me redirai pour moi en vibrato ?
Je tairai tout de toi, de ton total tourment
Lassé de nos passés, glacés aux firmaments…

Ca faisait si longtemps que tu partais sais-tu,
Ou étais tu Marie ?… ton piano s’est tu .