L’artiste saluait la foule d’un bonsoir Je repense à cela, alors je vous le dis, Aujourd’hui trente avril, il pleut et c’est lundi Devant ce magasin où descendait le soir L’artiste saluait, à coté des caddies.
D’une vieille guitare il tirait quelques notes Quelques airs d’à peu prés, aux accents convenus Mémoire de l’oreille au vaguement connu Que machinalement une main pianote S’accompagnant d’oublis aux rêves contenus.
Et quelque chose en lui, me semblait familier Posture et silhouette et les traits du visage Mais l’ensemble venu, peut être d’un autre âge Un souvenir surgi d’une époque oubliée D’un livre dont on a un jour tournée la page.
Et soudain me revint plus net le souvenir De l’artiste chanteur, du lundi au dimanche, Qui mangeait seulement la journée où la manche Lui permettait de vivre ou survivre et tenir Quelque époque de plus comme oiseau sur la branche.
Il n’était pas sorti d’un vieux livre d’images Mais de la vie normale évadé et transfuge Avec juste la rue comme dernier refuge. Oui je l’avais connu peu avant son chômage Pour moi quelques années et pour lui, le déluge.
Dans un chapeau posé contre le bac à roses, Gisaient quelques euros, bien peu en vérité, Et presqu’en m’excusant je lui ai demandé: « M’autoriseriez-vous à laisser quelque chose ? » Et il m’a répondu « C’est comme vous voulez »
Je me suis approché de lui très lentement Je pensais à nos vies, à nous, à l’être humain, Lui, en un geste large il m’a tendu la main Alors je l’ai serrée si chaleureusement Qu’il m’a dit : «Ah monsieur, j’ai fait bien du chemin».