Ici en cette terre où nous nous attardâmes Notre histoire un beau jour est devenue la même Là où ne devraient plus fleurir que chrysanthèmes En ces lieux apaisés qu’on dit chemin des dames Où vous fûtes livrés comme blés à la lame.
Craonne se souvient de ces bleus horizon, Entre l’Aisne et l’Ailette où s’arrêta le temps, La colline verdoie en douceur de printemps, Aux plis des plaies pansées saisons après saisons Mais le deuil s’éternise au fort de Malmaison.
Les croix sourdent du sol, cent fois multipliées Une brume lointaine au malheur sert de voile Ce passé que l’image ou la lettre dévoilent Demeure là inscrit aux marnes défoliées, Ici sont morts hachés des hommes par milliers.
Français ou Allemands mêlés sans minutie Sont vos corps mélangés en cette même glaise Mais il n’y flotte plus un air de Marseillaise Pour la fleur au canon, l’inhumaine argutie, Justifiant l’histoire où elle balbutie.
Les rives de ce fleuve, aujourd’hui qu’un dessein De l’Europe apaisée, rend nos deux peuples frères, Portent le même deuil des enfants mis en terre, Espace familial que meurtrit en ton sein Le crime mercantile aux profits assassins !
Tu passas en dix sept, grand père, qui saura Pourquoi tu ne connus ton enfant nouveau né ? Corps jetés au hasard, mes pauvres condamnés, Tout comme toi, son fils, que l’ogre dévora Vingt et sept ans plus tard aux tunnels de Dora.