Ils ont écrit partout en lettres majuscules, Ils ont écrit partout l’interdit et le pire Sur tous les murs publics même des édicules Défense de chanter et défense de rire. Ils ont écrit partout et gravé dans le marbre Aux fontaines d’été et l’hiver dans le givre, Dans les forêts d’automne aux écorces des arbres : « Défense de danser et défense de vivre ». Nous avons vaguement évoqué « nos devoirs » Et nous n’avons pas dit les mots qu’il fallait dire Mais eux ils savaient bien ce qu’était le pouvoir Et comment le garder, en un mot : INTERDIRE.
Oh redis-moi ce temps ou rien n’était construit La route à la forêt, la borne à l'horizon, Les jardins pour les fleurs, les vergers pour les fruits, Le barrage aux ruisseaux et les murs des prisons, Raconte-moi encor comment c’était avant, Comment c’était le jour, comment c’était la nuit, Raconte-moi encor, raconte-moi souvent, Que nous ne sommes pas nés Que nous ne sommes pas nés contraints et réduits.
Je me piège la nuit, aux rêves des départs Qui me propulsent ailleurs dans d’autres dimensions Aux mirages perdus en ces chemins épars, Hors d’atteinte des lois, de toutes soumissions. Je nous construis là bas une nouvelle vie Hors des sentiers battus au vent des habitudes, Onanisme comblant l’orgasme inassouvi Substitut de l’amour au cœur des solitudes. Chez moi ils ont écrit : « défense d’érection » A la peinture en deuil, souligné de grands traits. Redis-moi ces censeurs et nos insurrections Car nous ne sommes nés ni vaincus ni châtrés.
Ils sont venus chez moi uniformes et gris Ils ont jeté au feu la plupart de mes livres Sur ma tête et mon cœur ensuite ils ont écrit : « Attention, danger car ici ça peut vivre »
