La poésie commune (mai 2006)
Et moi je t’ai trouvée comme une qui racole
En partie de la rue où tanguent les communes,
Mais aussi de l’amphi planté dans nos écoles
Et des rêves perdus qui partent dans la lune.
Tu étais de l’usine où le chrono s’affole,
Pour la vie éclatée, peut être pour des prunes,
Aux chansons de l’espoir, aux mille banderoles,
Sans doute pour l’amour quand il perd la boussole.
Oui, je t’ai trouvée là, un Gavroche en chemise,
Tu pissais pour Voltaire et Rousseau, la sociale,
Et puis tu nous chantais un Clément aux cerises,
Un Pottier dans le cœur, au rythme qui s’emballe
Et plein de rimes autour pour des mots qu’on remballe.
Quand je t’ai demandé : « Qui es-tu belle brune ? »
Toi tu m’as répondu : « La poésie commune,
Non pas celle en festons, aux salons, reconnue
Mais celle de la rue que l’on prend toute nue,
Je ne suis certes pas, rimes de bon aloi
Mais poésie passion sans corset et sans loi,
Surtout ne cherche pas quelle est ma vocation,
Je suis la poésie donc la révolution».
Et je t’ai ramassée, de fureurs et de bruits,
Et les nichons à l’air sur une barricade
Et le refus au cœur de cet anar détruit
L’espérance d’avril se baladant en rade
Vers un juin vaincu où pourrissaient nos fruits.
Et puis je t’ai gardée ma belle camarade,
Comme un espoir défait que l’on se reconstruit.
Et si je t’ai aimée, ma putain à cent balles,
C’est pour tous ces espoirs qui riment avec la mort,
Pour ce Gavroche là, pour sa poudre et ses balles
Quand il te chante ainsi même au nez des plus forts
Au trottoir, à la rue, de ses mots qu’il trimballe,
Ah poésie de rien faite de sang et d’or,
Quand il te chante ainsi et qu’ensuite il s’endort…