Assise au coin du feu, quatre aiguilles d’ouvrage, Tu tricotes rêveuse et sans même y songer Dévides l’écheveau des laines mélangées Qui vont se transformant en bas au doux lainage.
Le chat sur tes genoux tout en dormant ronronne Et le vent du dehors entre en la cheminée, Les rangées tricotées de ton œuvre chinée Dessinent le mollet que tes mailles façonnent.
Le front un peu penché vers l’âtre qui crépite Tu en oublies tes doigts adroits et libérés, Qui, si peu dépendants, parcourent affairés Les travaux sur lesquels le soir les précipite.
La cuisine est plongée en sa tiède pénombre Les flammes animées modifient les contours, Les formes des objets qui prennent tour à tour Des aspects différents en étirant leur ombre.
La pendule balance au tic tac monotone, Minutes égrenées qui rythment la veillée, Les heures de tes points s’en vont en pointillés Ajouter de l’utile aux nocturnes d’automne.
Tu rêves, t’activant, du temps des crinolines, De tes quinze ou vingt ans mademoiselle Hélène, Au geste machinal de tes doigts sur la laine Parfois un court instant ta tête dodeline.
Ce tableau en mes yeux pour toujours s’accrocha, Grand-mère qu’en ce temps je baptisais « mémé », Ta laine tricotée combien je l’ai aimée Et ces soirées bercées par le ronron du chat…