Nous étions des milliers, enfants nus et sans age Qui sachant le bonheur à portée de la main, Nous inventions la mer seulement pour demain Car il nous semblait voir sous les pavés, la plage.
Pour penser l’avenir, les préjugés qu’on brise, Nous n’avions que les rues ou bien les murs pour dire Qu’il était désormais interdit d’interdire En un monde vivant comme au temps des cerises.
Je me souviens de tout, usines au soleil, De ces noces jouées sur un coup de poignard Mais nous le savions bien en ce mois communard Que la fête finie, rien ne serait pareil.
Il y eut tant d’éclats sur les places publiques, Le refus résolu d’univers rabougris, La sublime ambition après ces temps tous gris De peindre en bleu le ciel des vieilles républiques.
Du fond de nos cerveaux montait l’intraduisible La parole aux muets, le mot régénéré, Les slogans de la vie au verbe libéré : « Soyez réalistes, demandez l’impossible »
Et de tous les tableaux, lumières en nos yeux, Il reste bien profond le songe de ces jours, Un rien d’éternité qui nous revient toujours, Même si un matin nous surprend déjà vieux .
Ainsi dans la mémoire entra le souvenir, Cela se fit tout seul, doucement, sans douleur, Nos regards et nos mots prirent l’autre couleur Celle des convictions aux luttes à venir.
Et Malgré la dérive au juin avorté, Demeure ce possible à l’aventure humaine Cette envie d’exister autrement qu’en nos chaînes Et juste un air nouveau au monde humanité.
Mais qu’aurais je entendu de mots ? Je me méfie, Personnages d’un jour au discours sec et vain Les récoltes de mai sont comme le bon vin Ce sont les bien plantées que le temps bonifie.
N’auraient ils rien compris ceux qui ont répété Qu’ils allaient liquider cet espoir pour qu’il meure Causez, causez toujours car ce qu’il en demeure, C’est une autre culture, une autre société.