Il est perdu en moi, un air qui m’accompagne Venu d’une autre vie aux autans sans souci De l’avent au carême et au quel s’associe La féerie de ces nuits d’hiver à la montagne.
Le soir ma sœur et moi, les devoirs terminés Passablement bâclés mais après tout qu’importe, Avant que les voisins ne frappent à la porte Nous prenions position prés de la cheminée. Dans la douce chaleur à l’odeur de résine Nous restions là blottis sur la banquette en planches En regardant danser les flammes bleues et blanches Tandis que nos parents ordonnaient la cuisine. Aux rigoureux hivers, temps de nativité Glaçait la bise au soir qui sifflait en passant Mais le feu crépitait, dans l’âtre rougissant… Sages, nous attendions les premiers invités. Et la porte s’ouvrait comme en un coup de vent Dans un blanc tourbillon de flocons secoués L’oncle Jules soudain entrait et s’ébrouait Puis enlevait sa cape en un geste savant. Et dans le mouvement comme sa sœur jumelle, Suivait tante Louise en retirant ses gants Et claquant sur le seuil ses sabots élégants Pour en chasser la neige accrochée aux semelles. Un à un surgissaient comme des super stars Les autres visiteurs tous emplis de paroles La dernière toujours était Marie Carole Dont le réveil sonnait constamment en retard. Le cercle autour du feu, rassurant grandissait, Telle une protection qui sans cesse s’accroît, Contre la solitude et l’hiver et le froid Et quelle volupté lorsque je m’y glissais ! Là le cousin Fernand, le voisin Irénée, Nous racontaient leur guerre au temps des maquisards Tandis que l’oncle Elie nous parlait des isards Puis nous chantions parfois « Montagnes Pyrénées » Puis venait le moment des légendes et drames Les fantômes, les loups, le diable et les sorcières Vivaient leur propre vie, vécue sous nos paupières Aux ombres projetées à la lueur des flammes. Rituel montagnard, le vin chaud frémissait L’Orange et le citron y mêlaient leurs aromes Plus un doigt de cannelle et des morceaux de pommes Recette de bonheur et d’amitié qui sait ? Des grands nous apprenions la langue et la morale L’Occitan, le devoir et le respect de l’âge Mais aussi les échos, les rumeurs du village C’était cela je crois « La tradition orale ».
Mon enfance tu fus le temps des effusions Des joies non retenues, des fleurs de l’innocence Mais tout cela cessa à mon adolescence Et arriva le temps de la télévision.