Tu as jeté tes mots sur papier tels des cris, Feuilles vives venues, portées par le mistral, De ce monde enclavé en l’hémisphère austral Cet univers, le tien, tel que tu le décris... Mais c’est d’une autre vie sais-tu que tu m’écris.
Je me souviens de toi comme une autre culture De ce hasard dressé aux lignes de ta main Et de ces fleurs tressées dans le creux des chemins Où nous cherchions l’amour d’air pur et d’aventure. En ce temps tous ces riens me sont des références, Cette poupée de chair et celle de chiffons, Ce châle sur lequel étaient peints des griffons, Ah ma tête pourquoi autant d’incohérences ? Je savais la cerise à ta lèvre charnue Que je croquais fin mai comme un fruit sur la branche Au loin cette vision d’un port, Alger la blanche, Puis la pluie en tes yeux, mes doigts sur ta peau nue. Tout là-bas mûrissaient l’orange et la grenade Alors que susurrait quelque chanteur de charme : « Et le temps d’un sourire et le temps d’une larme » Et nous nous amusions de cette sérénade. J’essayais de comprendre, inutile Sartrien, L’essentiel de la vie mais mon seul vrai décor, Ma seule vérité, c’était toi et ton corps Dans ce sentier moussu qui ne menait à rien. Et le souffle du vent qui m’avait emporté Sans que j’ai deviné au juillet étouffant Que palpitait en toi un cadeau, cet enfant Notre amour comme un fruit mais déjà avorté… …Qu’as-tu gardé de nous lors que tant de printemps Sont venus se poser sur l’ombre, notre vie ? Et nos passions sais tu combien sont en survie Toi qui m’écris : « sans joie le temps est si longtemps ». Après avoir été pouvons nous toujours être? Aujourd’hui me revient de l’autre bout du monde La fane d’un amour. Que ma peine est profonde En lisant ta détresse à travers cette lettre.
Je me souviens de toi, ce bonheur clandestin Ah je ne sais pourquoi et je ne sais comment, Mon épousée de mai, mariée d’un moment, Tu ne fus tout au plus qu’en marge du destin, L’étoile d’une nuit qu’éteignit le matin.