Je suis entré chez vous sans avoir l’habitude, Par une porte en fer hérissée de serrures, Vous siégiez là, posés, enceints dans vos armures Bardés de vos idées aux fortes certitudes Et moi qui tant cherchais …
J’allais tous ces jours là, j’allais me répétant, Quand le vent tombera, je deviendrai un homme Il me faudrait si peu, il me faudrait en somme, Un peu plus de soleil et un peu plus de temps Et quelques fleurs séchées… J’avais cru voir écrit aux dentelles du givre Un grand mot « liberté » qu’on aime prononcer, Principe naturel qu’il fait bon annoncer Et dont on a rempli multitudes de livres Propos souvent gâchés… Le reste, égalité me semblait incertain Quant à fraternité, je ne pouvais y croire Il y a dans ces mots tant à manger et boire Qu’ils ne peuvent venir que d’un passé lointain A quoi bon s’y pencher ?... Je ne me souvenais que des couleurs du soir, Ces pastels que l’éclat de la lune dérange Et des arbres courbés sous le poids des oranges Au pied des quels parfois nous venions nous asseoir Et souvent nous coucher… Il y avait aussi ces rêves du lundi Comme un restant d’ailleurs disputé au hasard, Deux notes envolées, volutes de Mozart, Mais je n’en parlais pas car c’était interdit, On m’aurait débranché… Vous m’aviez demandé de venir m’expliquer, Ou bien justifier mes folies illusoires Procédure normale au mode inquisitoire, Pour un acte en lequel j’étais fort impliqué, En fait un gros péché… « Et ne le prenez pas ainsi la tête haute » M’avez-vous dit d’abord avant d’aller aux faits « Ah ne croyez donc pas que je sois satisfait » Vous ais-je répondu, conscient de ma faute, Je vous sentais fâchés… Vous avez dignement pris l’air dubitatif : « Avant que vous cédiez à d’autres tentations Nous allons prononcer votre condamnation Peu sévère vraiment eu égard aux motifs » Moi je n’ai pas bronché. « Attendu d’une part votre aspect persifleur Et que des faits si lourds ne peuvent être admis C’est à un an d’exil que vous serez soumis Pour avoir sciemment respiré une fleur Sans même vous cacher »…
J’ai repris mon bâton et mon chien m’a suivi, C’était le seul ami qu’il me restait du temps Où l’eau allait aux fleurs tout naturellement Et où l’on se disait « ah que c’est beau la vie » Sur un ton détaché…