Mes talons claquent sur les pavés. Le rayon de soleil emprisonné Dans la façade de cuivre du marché Frappe d’or le front des passants : Sept heures et Grenade les yeux équarquillés, Sept heures et Grenade échevelée, Lucide malgré sa nuit blanche.
Le matin, cri des gitans, musique et odeur de gaspacho. Le soir, cri des gitans, musique et odeur de viño tinto .
Seulement le midi Grenade étourdie S’assoupit sous le plomb du soleil, Marquée au fer rouge d’un cercle aveuglant. Seuls les petits serpentins translucides Virevoltent au rythme d’un vent insensible. Seule l’eau des fontaines sait résister, Mécaniquement, à l’emprise de son dieu.
Le midi, Grenade blême immaculée, malade de lumière intense. Le midi, Grenade immolée sur la plaza Nueva.
L’Alhambra impassible s’apprête pourtant A la défendre de toute son immobilité : Il se hausse sur la pointes de ses murailles, Lumineux comme une étoile arabe , Fier comme un Andalou, Ses jardins de fraîcheur injuriant la canicule. Abasourdi par le sang des façades Le soleil pique et pointe sans cesse le palais.
A cinq heures, Le Prince inonde la vallée de son ombre. A cinq heures, l’Alhambra a gagné.
Chaque jour comme un rite, Chaque jour recommence Le combat des deux rois, Le fratricide du double règne Rejouant la légende de Grenade, Qui veut que le sang arabe Et la chair espagnole Se mêlent dans ce fruit.