Dans le métro, J’ai perdu des morceaux de moi, Dispersés entre les lignes, le long des voies. Mon strapontin comme enclos de solitude, D’ici je revois mon tout mais aussi mon rien. Je compte entre les stations les chimères Qui se sont envolées dans les airs Comme on énumère le soir les moutons, Dont on ne connaît ni le nombre, ni les noms. Le métro avance sur son chemin de granit Comme à son habitude Et moi dans ma bulle je prends du recul, La réalité s’effrite et je bascule Sur ce sentier de songes où je songe À tout ce temps qui passe où tu passes Sans que mes sentiments ni ton image ne s’effacent. Mes mots se diluent sur mon cahier, Dans mon wagon, comme un peu de fumée Au goût doux-amer du passé. Je m’évapore et me disperse, Dans ma tête je prends des chemins de traverse Et je m’égare Dans ton oubli et nos moments. J’aimerais remonter et contrer le temps Pour te retrouver au cœur de ta gare Celle où tu t’es perdu, égaré entre les rails, Ceux qui raillent La beauté de l’âme et qui la font dérailler, La renversent et la bouffent en entier. Là j’aurais peut-être pu arrêter Ton train en marche et l’empêcher d’avancer, De s’abîmer et de se renverser plus encore, T’aider à combattre les monstres qu’hier t’ont dévoré Et qui aujourd’hui te mangent encore, Leurs dire de me bouffer moi Car tu es trop tendre et pas assez fort Pour voyager ainsi tous les jours avec la mort, De te laisser te relever des blessures de l’enfance Et de te laisser trouver ta chance Au lieu de tout t’enlever. Mais le jour où je t’ai trouvé Toi l’ange en civil, Tu avais déjà mis ton pardessus et quitté la ville, Un billet au creux de la poche et puis tu es parti. Un matin de janvier ou bien était-ce l’après-midi ? Je ne me souviens plus, Je sais juste que tu l’as fait sans un mot Et sans un bruit, Dans le silence que le froid de l’hiver m’a imposé. C’était il y a des mois Mais pour moi c’était comme si c’était hier. Aujourd’hui je continue mon voyage sans repères Avec ton obscurité et le souvenir de ta lumière Pour paysages. Déjà mon arrêt.